Zelimkhan CHAVKHALOV - Avocat à Strasbourg

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Refus d'agrément du CNAPS et procédure contradictoire préalable

Zelimkhan Chavkhalov • 9 janvier 2023

J'ai eu l'occasion de contester devant le Tribunal administratif de Strasbourg un refus de renouvellement de la carte professionnelle pour un client exerçant en qualité d'agent privé de sécurité auprès d'une société qui l'employait dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Une requête en référé suspension a également été déposée pour demandé la suspension des effets de la décision du CNAPS.


Par une ordonnance du 21 décembre 2022, le juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg rappelle que la procédure contradictoire préalable s'impose, de sorte que le CNAPS n'est pas en mesure de refuser l'agrément d'agent de sécurité privée ou son renouvellement, sans avoir préalablement invité l'intéressé à présenter ses observations conformément à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration.


TA Strasbourg, 21 déc. 2022, n° 2208084


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A propos de Maître CHAVKHALOV


Vous êtes agent de sécurité et avez des difficultés avec le CNAPS ? En tant qu’avocat expérimenté en droit de la sécurité privée, j’accompagne les professionnels de ce secteur dans leurs recours et démarches face au CNAPS. Que ce soit pour contester une décision ou obtenir des conseils personnalisés, je suis là pour défendre vos droits. N'hésitez pas à me contacter pour un accompagnement adapté à votre situation.


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Maître Zelimkhan CHAVKHALOV
Société de sécurité privée dirigée par une personne morale : le CNAPS peut-il refuser l’autorisation
par Zelimkhan Chavkhalov 11 juin 2025
L’autorisation d’exercer délivrée par le CNAPS est indispensable pour toute entreprise souhaitant proposer des prestations de sécurité privée. Encore faut-il que cette société soit dirigée par une personne physique titulaire d’un agrément. Mais qu’en est-il lorsqu’une société est présidée par une autre société (personne morale), elle-même dirigée par une personne physique agréée ? Dans un arrêt du 5 juin 2025 ( CAA Lyon, 6e ch., 5 juin 2025 ), la cour administrative d’appel de Lyon apporte un éclairage important sur ce point, en annulant un refus d’autorisation fondé sur une lecture trop rigide des textes par le CNAPS. Cette décision clarifie les exigences applicables en cas de direction indirecte et rappelle l’articulation entre droit de la sécurité privée et droit des sociétés. Contexte de l’affaire Dom Sécurité France (CAA Lyon, 5 juin 2025) Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) est l’autorité chargée de délivrer les autorisations d’exercice aux entreprises de sécurité privée et les agréments de dirigeant aux personnes qui les dirigent. En l’espèce, la société Dom Sécurité France (forme SAS) s’est vu refuser par le CNAPS l’autorisation d’exercer pour son établissement secondaire de Saint-Priest au motif que son dirigeant n’était pas une personne physique agréée. En effet, Dom Sécurité France a pour président une autre société (la SAS Groupe Dom) au lieu d’un individu directement. Le CNAPS a considéré que cette structure violait le Code de la sécurité intérieure, qui exige qu’une société de sécurité privée soit dirigée par une personne physique titulaire de l’agrément prévu à l’article L.612-6 du CSI. Dom Sécurité France a contesté ce refus devant le juge administratif. Issue principale : Une société de sécurité privée peut-elle obtenir son autorisation d’exercer si son représentant légal est une personne morale (une autre société) dont le dirigeant (personne physique) dispose d’un agrément ? Ou bien faut-il, comme le soutenait le CNAPS, que le dirigeant soit directement une personne physique agréée ? L’affaire posait donc la question de l’articulation entre les exigences du Code de la sécurité intérieure et le droit des sociétés (notamment l’article L.227-7 du Code de commerce sur les SAS dirigées par une personne morale). Exigences légales : autorisation d’exercer et agrément du dirigeant Autorisation d’exercice : Les entreprises de sécurité privée doivent obtenir une autorisation administrative pour exercer, distinctement pour chaque établissement (siège et établissements secondaires). Cette obligation s’applique aux personnes morales tout comme aux entrepreneurs individuels, sous peine d’illégalité de l’activité exercée. Par exemple, dans une affaire de 2023, la SAS JDC avait été sanctionnée pour avoir fourni des prestations de sécurité sans détenir l’autorisation pour son siège ni pour ses 41 agences, et sans que ses dirigeants soient agréés. Le respect de l’autorisation d’exercer vise à garantir la régularité et la moralité des acteurs de la sécurité privée. Agrément du dirigeant : En parallèle, nul ne peut diriger ou gérer une société de sécurité privée s’il n’est titulaire de l’agrément prévu à l’article L.612-6 du Code de la sécurité intérieure. Cet agrément est une forme de « casier judiciaire vierge » et de vérification de la probité/professionnalisme du dirigeant. Il est délivré uniquement aux personnes physiques après enquête (contrôle de moralité, aptitude professionnelle, etc.), ce qui ressort du texte et de sa mise en œuvre réglementaire. Autrement dit, chaque société de sécurité doit avoir, à sa tête, un individu agréé par le CNAPS. Les supports officiels du CNAPS soulignent d’ailleurs que « la personne morale doit avoir pour dirigeant ou gérant une personne physique titulaire d’un agrément délivré par le CNAPS ». Ainsi, le cadre légal cherche à éviter qu’une personne non habilitée (par exemple ayant des antécédents incompatibles avec la sécurité privée) ne prenne le contrôle d’une entreprise de sécurité par quelque artifice que ce soit. La particularité d’une SAS présidée par une personne morale Le cas Dom Sécurité France mettait en lumière une situation atypique mais légale en droit des sociétés : une SAS dont le président est lui-même une personne morale (la SAS Groupe Dom). Ce montage est autorisé par le Code de commerce. En effet, une société par actions simplifiée peut être dirigée par une autre société, à condition que cette dernière désigne un représentant permanent (personne physique) pour exercer la fonction en son nom. Selon l’article L.227-6 du Code de commerce, la société présidente est investie des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la SAS. Et l’article L.227-7 du même code précise que lorsqu’une personne morale est nommée présidente ou dirigeante d’une SAS, les dirigeants de cette personne morale sont soumis aux mêmes conditions, obligations et responsabilités que s’ils étaient dirigeant en leur nom propre. Interprétation jurisprudentielle : La jurisprudence constante de la Cour de cassation considère que dans une telle configuration, c’est la personne morale qui assure la représentation légale de la SAS par l’intermédiaire de ses propres dirigeants. Ces derniers doivent être traités comme dirigeants de droit de la SAS pour l’application des obligations et responsabilités. Autrement dit, on ne peut pas échapper aux obligations légales du dirigeant en interposant une société-écran. Par exemple, la Cour de cassation a jugé qu’en application de l’article L.227-7, le dirigeant de la société présidente « ne peut qu’avoir également la qualité de dirigeant de droit » de la SAS qu’elle préside. Ce principe vise à éviter les fraudes ou les contournements de responsabilité en cascades de sociétés. Position du CNAPS versus argument de la société Dans l’affaire Dom Sécurité : Le CNAPS a adopté une lecture stricte du CSI : pour lui, Dom Sécurité France n’avait pas de dirigeant personne physique titulaire de l’agrément, puisque son président était une personne morale. Il importait peu qu’en pratique la société Groupe Dom soit elle-même dirigée par M. A... B..., lequel disposait bien d’un agrément en qualité de dirigeant de société de sécurité privée. Aux yeux du CNAPS, « peu importe que le président de Groupe Dom soit M. B... agréé », cela reste insuffisant car M. B... n’est pas directement le président de Dom Sécurité France. En somme, le CNAPS exigeait une concordance formelle : l’entité titulaire de l’autorisation (Dom Sécurité) doit avoir pour représentant légal immédiat une personne physique agréée, sans interposition d’une société tierce. La société Dom Sécurité France, au contraire, soutenait en creux que la présence de M. B... en tant que dirigeant de sa société mère suffisait à satisfaire aux obligations. M. B... disposait d’un agrément dirigeant valide jusqu’en septembre 2024. En application de l’article L.227-7 C. com., il était logiquement soumis aux « mêmes conditions et obligations » que s’il dirigeait Dom Sécurité France en son nom propre. Donc exiger qu’il soit directement président de la filiale aurait été formaliste, puisque matériellement il assumait déjà la responsabilité et les obligations du dirigeant vis-à-vis de Dom Sécurité France. L’agrément dirigeant de M. B... devait donc bénéficier à la filiale. Décision de la Cour administrative d’appel de Lyon La Cour administrative d’appel de Lyon a donné raison à la société, confirmant le jugement de première instance. Elle a annulé le refus du CNAPS et ordonné que l’autorisation d’exercer soit délivrée à Dom Sécurité France pour son établissement de Saint-Priest. Voici les principaux enseignements de son arrêt : Interprétation téléologique du CSI : Sur le fond, la Cour a procédé à une lecture combinée du Code de la sécurité intérieure et du Code de commerce. Elle rappelle d’abord l’exigence de l’agrément dirigeant pour quiconque dirige une entreprise de sécurité privée. Elle souligne ensuite ce qu’implique l’article L.227-7 C. com. : dans le cas d’une SAS dirigée par une personne morale, le dirigeant de cette dernière assume en réalité la fonction de dirigeant de la première. Cela signifie que le représentant de la personne morale présidente est soumis aux mêmes obligations légales que s’il était lui-même président. Or, parmi ces obligations figure précisément celle d’être titulaire de l’agrément CNAPS lorsqu’on dirige une entreprise de sécurité. Application au cas concret : Étant établi que M. B..., dirigeant de la SAS Groupe Dom (présidente de Dom Sécurité France), disposait bien de l’agrément valide au moment de la décision contestée, la Cour estime que la condition légale était remplie. Dom Sécurité France était donc, in fine, dirigée par une personne agréée, même si indirectement. Le CNAPS ne pouvait légalement refuser l’autorisation d’exercer « quand bien même la SAS Dom Sécurité France n’était pas directement dirigée par une personne physique ». Cette formule, tirée de l’arrêt, résume bien la solution : le droit des sociétés permet une direction par personne interposée sans méconnaître le droit de la sécurité intérieure, dès lors que l’obligation d’agrément du dirigeant est satisfaite par le biais du représentant permanent. Rejet du formalisme excessif : La CAA rejette ainsi l’argumentation littéraliste du CNAPS. Elle privilégie une approche finaliste conforme à l’objectif de la loi (s’assurer de la probité du dirigeant réel). Exiger que l’organigramme soit modifié pour mettre directement M. B... à la tête de Dom Sécurité eût été une vision formaliste et contraire à l’économie du droit des sociétés. La Cour indique clairement que le stratagème d’une présidence par personne morale ne permet pas d’éluder l’obligation d’agrément, mais que, inversement, il n’y a pas lieu d’exiger davantage que ce que requiert la loi. Ici, la loi requiert un dirigeant agréé ; M. B... l’était – mission accomplie. Le CNAPS est donc « non fondé » à soutenir que l’annulation prononcée en première instance était erronée. Portée et implications de l’arrêt Convergence droit public / droit des sociétés : La décision illustre une harmonisation bienvenue entre le droit public de la sécurité intérieure et le droit privé des sociétés. Le CNAPS, en tant qu’autorité administrative, devra intégrer cette lecture dans ses pratiques. Il ne pourra plus refuser une autorisation d’exercer au seul motif qu’une société de sécurité est dirigée via une personne morale, si la personne physique qui pilote effectivement cette dernière est dûment agréée. On peut s’attendre à ce que les formulaires et instructions du CNAPS évoluent pour demander, le cas échéant, les références de l’agrément du dirigeant de la personne morale mandataire. En pratique, la vigilance du CNAPS devra porter sur l’identité du représentant permanent de la personne morale dirigeante, afin de vérifier son agrément, plutôt que de s’arrêter à la forme sociale du dirigeant. Conseil aux professionnels : Pour les entreprises de sécurité privée, cet arrêt apporte de la sécurité juridique. Si vous avez une structure de groupe (holding dirigeante), assurez-vous que le dirigeant de votre holding dispose bien de son agrément CNAPS et qu’il est mentionné comme représentant légal. Tant que c’est le cas, votre autorisation d’exercer ne devrait pas être compromise du fait de l’interposition d’une personne morale. À défaut, le CNAPS pourrait légitimement s’y opposer, comme ce fut le cas initialement ici. Rappelons que l’agrément dirigeant est valable 5 ans et doit être renouvelé en temps voulu, y compris pour le dirigeant de la société-mère, afin d’éviter toute interruption dans les autorisations d’exercer. En résumé , l’arrêt CAA Lyon, 5 juin 2025, Dom Sécurité France concilie les textes en posant qu’« nul ne peut diriger une société de sécurité sans agrément », mais que si la société est dirigée par une autre société, le dirigeant personne physique de cette dernière fait foi. Cette solution renforce la cohérence du système : on contrôle bien la moralité des personnes qui dirigent effectivement les activités de sécurité privée, sans s’embarrasser d’un carcan formaliste. C’est une décision rassurante pour les acteurs du secteur organisés en groupes de sociétés, et un rappel pour le CNAPS d’appliquer la loi avec discernement et non par excès de rigidité. Sources : Cour administrative d’appel de Lyon, 6ème ch., 5 juin 2025, n°24LY01569; Code de la sécurité intérieure, art. L.612-6 et L.612-9; Code de commerce, art. L.227-7; Cour de cassation, com., 20 nov. 2024, n°23-17.842; CAA Bordeaux, 2ème ch., 7 déc. 2023, n°21BX04535
Refus CNAPS : l'usage d'un faux pass vaccinal Covid ne suffit pas
par Zelimkhan Chavkhalov 26 mai 2025
Dans un jugement du 21 mai 2025 (TA Marseille, 8e chambre, n°2208906), le tribunal administratif a annulé la décision du CNAPS refusant une autorisation préalable à un ancien agent de sécurité, notamment au motif qu’il avait utilisé un faux certificat de vaccination contre la Covid-19. Ce jugement permet de rappeler que l’usage d’un tel document ne conduit pas automatiquement à un refus d’agrément, et qu’une appréciation individualisée des faits demeure nécessaire. M. B, agent de sécurité depuis 2010, avait vu sa carte professionnelle renouvelée en 2017. Faute de l’avoir renouvelée avant son expiration en 2022, il devait suivre une nouvelle formation (MAC APS) et sollicitait donc l’autorisation préalable prévue par l’article L. 612-22 du code de la sécurité intérieure. Le CNAPS a rejeté cette demande le 1er septembre 2022, s’appuyant sur plusieurs mises en cause mentionnées dans le fichier TAJ : des faits de violences en 2012, de port d’arme blanche en 2014, de conduite sans assurance en 2021, et surtout l’ obtention et l’usage d’un faux certificat de vaccination contre le Covid-19 durant l’été 2021 . C’est sur ce dernier point que le jugement présente un intérêt particulier. Le juge reconnaît que le comportement de M. B constitue un faux et usage de faux. Mais il précise que ces faits doivent être relativisés, en tenant compte du contexte sanitaire exceptionnel de l’époque. L’été 2021 est marqué par l’instauration du passe sanitaire, qui devient rapidement passe vaccinal, conditionnant l’accès à de nombreux lieux et activités, y compris dans le domaine professionnel. Pour beaucoup, cette mesure équivalait à une obligation vaccinale de fait, ressentie comme brutale. M. B, qui souffrait de problèmes de santé, nourrissait des craintes personnelles face à la vaccination. Son recours à un faux certificat ne procédait pas d’une volonté de fraude ordinaire ou d’un mépris de la loi, mais d’une tentative – illégale certes – de concilier ses inquiétudes médicales avec la nécessité de travailler. Le tribunal prend acte de cette réalité : le contexte pandémique, les incertitudes médicales, la pression sociale et professionnelle forment un ensemble de circonstances atténuantes. Le comportement de M. B ne traduisait ni une atteinte grave à la probité, ni un danger pour la sécurité publique. Par ailleurs, les autres faits évoqués étaient anciens, sans suite judiciaire, et sans lien avec l'activité de sécurité privée. En conséquence, le juge estime que le CNAPS a commis une erreur d’appréciation en refusant l’autorisation. Il enjoint donc l’administration de réexaminer la demande dans un délai de deux mois. Ce jugement confirme qu’en matière de sécurité privée, l’usage d’un faux passe vaccinal ne suffit pas, à lui seul, à justifier un refus d’autorisation. Le CNAPS reste libre d’apprécier la moralité des candidats, mais cette appréciation doit reposer sur des faits précis, récents et suffisamment graves, replacés dans leur contexte. La période Covid, avec son lot d’incertitudes, appelle à une lecture plus nuancée des comportements individuels. https://justice.pappers.fr/decision/2b216cc09b7f028265d142860508b58365104dec
par Zelimkhan Chavkhalov 25 avril 2025
Par sa décision n° 2025-878 DC du 24 avril 2025, le Conseil constitutionnel a jugé pour l’essentiel conforme à la Constitution la loi « relative au renforcement de la sûreté dans les transports » ; il n’a retoqué que certaines dispositions marginales, ouvrant ainsi la voie à une montée en puissance des agents de sécurité privée (Suge, GPSR et prestataires) dans les réseaux ferrés et urbains.
contrôle du CNAPS - sanctions disciplinaire et respect de la procédure contraditoire
par Zelimkhan Chavkhalov 8 mars 2025
Dans un arrêt n° 23TL01260 du 26 février 2025, la Cour administrative d’appel de Toulouse annule la sanction prononcée par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) à l’encontre de la société TotalÉnergies Marketing France. Elle juge que le CNAPS a méconnu l’exigence figurant à l’article L.634-3 du code de la sécurité intérieure (CSI), laquelle impose la remise « sans délai » d’un compte rendu contradictoire à l’issue de tout contrôle. Cadre légal : l’article L.634-3 du CSI et son objet Texte de l’article L. 634-3 du CSI : « Les agents du Conseil national des activités privées de sécurité peuvent demander communication de tout document nécessaire à l'accomplissement de leur mission, quel qu'en soit le support, et en prendre copie. Ils peuvent recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement et toute justification utiles. Ils peuvent consulter le registre unique du personnel prévu à l'article L. 1221-13 du code du travail. Ils peuvent, à la demande du directeur du Conseil national des activités privées de sécurité, être assistés par des experts désignés par l'autorité dont ceux-ci dépendent. Il est dressé contradictoirement un compte rendu du contrôle réalisé en application du présent article dont une copie est transmise sans délai au responsable de l'entreprise contrôlée . » L’esprit de cette disposition est d’organiser un échange contradictoire aussi tôt que possible, afin que l’entreprise contrôlée prenne immédiatement connaissance des faits observés, de leur qualification éventuelle, ainsi que des éléments collectés par le CNAPS (documents, témoignages, photos, etc.). Cette exigence a pour finalité : De garantir un droit de réponse effectif : le responsable de l’établissement ou son représentant doit pouvoir apporter des compléments d’information, corriger d’éventuelles erreurs factuelles, ou encore produire des justificatifs oubliés par les agents de contrôle. De prévenir toute altération ou dilution des preuves : un compte rendu tardif fait courir le risque de perdre des éléments de preuve ou de mettre l’entreprise dans l’incapacité de répondre à des constatations qui ne sont plus vérifiables dans les mêmes conditions qu’au moment du contrôle. De renforcer la transparence et la loyauté des opérations de contrôle : la communication rapide du compte rendu permet aux deux parties de disposer des mêmes informations dès le début de la procédure, réduisant les asymétries d’information pouvant nuire au droit de la défense. En somme, le législateur entend éviter tout décalage temporel qui pourrait compromettre la participation active de l’entreprise à la procédure et donc l’effectivité du principe du contradictoire. Les faits : une transmission du compte rendu retardée de plusieurs mois Dans l’affaire jugée, le CNAPS reprochait à la société TotalÉnergies Marketing France : D’avoir mis en place un service interne de sécurité en l’absence d’autorisation préalable. D’employer un salarié pour des missions de surveillance sans carte professionnelle. Au cours d’une visite de contrôle, les agents du CNAPS ont relevé divers éléments (filtrage d’accès, caméras, présence d’un agent polyvalent supposé exercer des tâches de gardiennage). Cependant, la copie du compte rendu de la visite a été transmise plusieurs mois après la date de la constatation. La Cour administrative d’appel de Toulouse censure ce retard et considère qu’il porte atteinte à la garantie prévue par l’article L. 634-3 du CSI : sans remise rapide, l’entreprise ne peut pas formuler ses observations ou contester les constats dans un délai permettant un véritable débat contradictoire. Interprétation par le juge administratif de l'obligation de remise du compte-rendu « sans délai » Un intervalle temporel très bref L’expression « sans délai » implique que la notification doive se faire au moment du contrôle ou peu de temps après – dans la pratique, aussitôt que les agents finalisent matériellement le compte rendu. L’objectif est de permettre à l’entreprise d’exercer son droit de réponse alors que les faits sont encore d’actualité et facilement vérifiables. Quelle marge de manœuvre ? Quelques heures ou quelques jours : un léger décalage, rendu nécessaire par la mise en forme administrative du compte rendu, est généralement toléré, à condition que l’entreprise puisse rapidement réagir sur le fond. Plusieurs semaines ou mois : au-delà d’un certain délai, le CNAPS s’expose à une annulation de la sanction si l’entreprise prouve qu’elle n’a pas pu présenter, à temps, sa version des faits ou des pièces justificatives. Dans l’arrêt commentée, la Cour souligne que la différence de plusieurs mois entre le contrôle et la remise du compte rendu est incompatible avec l’idée d’une communication rapide et prive l’entreprise d’une garantie essentielle. Un vice de procédure substantiel : annulation de la sanction En droit administratif, une irrégularité procédurale entraîne l’annulation de la décision lorsqu’elle a pu priver l’intéressé (ici, l’entreprise) d’une garantie ou influer sur le sens de la décision (Conseil d'Etat, jurisprudence Danthony ). Le retard dans la transmission du compte rendu a, selon la Cour, privé la société contrôlée du bénéfice du contradictoire, c’est-à-dire de la possibilité de discuter immédiatement les faits reprochés. La sanction disciplinaire prononcée se retrouve donc annulée, indépendamment de la matérialité des infractions qui pouvaient être par ailleurs reprochées. Une leçon de rigueur pour les contrôles du CNAPS Pour le CNAPS : Il est impératif de formaliser le compte rendu à la fin de la visite (ou dans un délai extrêmement court) et de le remettre immédiatement au responsable du site contrôlé. Faute de quoi, toute sanction ultérieure s’expose à un risque sérieux d’annulation pour vice de procédure. Pour les entreprises : Cette jurisprudence permet de contester utilement une sanction si le principe de l’article L. 634-3 du CSI n’est pas respecté. Il convient toutefois de démontrer un délai réel et significatif de transmission et de prouver que cette lenteur a empêché une défense ou une contestation rapide et efficace. Cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Toulouse insiste sur l’importance du respect scrupuleux des garanties procédurales en matière de contrôle et de discipline. La mention « sans délai » ne relève pas d’une simple formalité, mais d’une exigence substantielle : c’est précisément dans les heures ou les tout premiers jours qui suivent le contrôle que la discussion doit avoir lieu, assurant ainsi un traitement équitable des griefs et évitant tout déséquilibre entre l’autorité de contrôle et l’entreprise contrôlée. Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème Chambre, 26 février 2025, 23TL01260
par Zelimkhan Chavkhalov 16 février 2025
Dans un jugement récent, rendu le 11 février 2025, le Tribunal administratif de Lyon adopte une position inattendue et contredit la lecture stricte qu’avait retenue le juge des référés du Conseil d’État dans sa décision du 24 avril 2023, comme je l'avais évoqué dans mon précédent article . Pour rappel, la Loi sécurité globale du 25 mai 2021 impose, via l’article L.612-20 du Code de la sécurité intérieure, qu’un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, justifie d’une détention d’un titre de séjour depuis au moins cinq ans pour obtenir la carte professionnelle d’agent privé de sécurité. Jusqu’alors, la jurisprudence exigeait que cette détention s’exerce de manière continue. Un rejet initial fondé sur une brève interruption Dans l’affaire examinée, le requérant, ressortissant sénégalais vivant en France depuis 2015, se voit confronté à un refus de renouvellement de sa carte professionnelle par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). L’argument avancé : entre le 5 décembre 2020 et le 5 avril 2021, l’intéressé ne détenait pas formellement de titre de séjour, ni aucune attestation régularisant son séjour en France, en raison notamment de retards administratifs et de la difficulté à obtenir un rendez-vous en préfecture en pleine crise sanitaire. Un texte équivoque Pour mémoire, l’article L.612-20 du Code de la sécurité intérieure impose une détention « depuis au moins cinq ans », sans préciser la nécessité d’une continuité stricte. Or, c’est sur ce point que le Tribunal administratif de Lyon apporte une lecture différenciée : en considérant que l’interruption était « extrêmement brève » et principalement due à des circonstances exceptionnelles, la juridiction admet la possibilité de cumuler l’ensemble des périodes de régularité pour calculer la durée totale. Reste à savoir si cette lecture “cumulative” de l’obligation ne vaut que dans les cas de circonstances exceptionnelles – comme la pandémie de Covid-19 ou toute autre situation rendant objectivement difficile le renouvellement d’un titre de séjour –, ou si elle pourrait être étendue à des interruptions moins justifiées. Cette question conditionnera la portée concrète de la solution adoptée par le Tribunal administratif de Lyon et pourrait faire l’objet d’un examen plus poussé par le juge d’appel, en cas de recours du Conseil national des activités privées de sécurité. Quel avenir pour cette jurisprudence ? Il reste à savoir si le CNAPS portera l’affaire devant la juridiction d’appel. Dans l’hypothèse d’une procédure en appel, c’est alors une analyse plus approfondie du texte législatif et de la volonté du législateur qui sera à l’ordre du jour. Doit-on considérer que « cinq ans » implique nécessairement une continuité ? Ou bien la finalité du dispositif (s’assurer de la probité et de la moralité des intéressés sur une période significative) justifie-t‑elle qu’on prenne en compte toutes les années de présence légale, même en cas de brève interruption ? Il convient de rappeler que l’objectif du législateur, lors de l’adoption de la Loi sécurité globale, consistait essentiellement à vérifier le comportement et l’intégration du demandeur sur un laps de temps suffisamment long ( Conseil constitutionnel, n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, cons. 45 ). L’absence de mention explicite quant à la continuité ouvre donc la porte à une interprétation plus souple, comme le démontre la position du tribunal lyonnais. Conclusion La décision du 11 février 2025 soulève ainsi un débat sur la portée exacte de la durée de détention et sur la latitude laissée aux juges pour l’interpréter. Une future étape en appel permettra certainement de trancher la question de manière plus pérenne. En attendant, ce jugement constitue un espoir pour les demandeurs étrangers dont les parcours administratifs ont pu être temporairement interrompus pour des raisons indépendantes de leur volonté. Tribunal administratif de Lyon, 6ème Chambre, 11 février 2025, 2304765
Comprendre et réagir face au refus de la carte pro CNAPS
par Zelimkhan Chavkhalov 1 novembre 2024
La carte professionnelle délivrée par le CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité) est indispensable pour exercer dans le domaine de la sécurité privée en France. Cependant, certaines demandes peuvent être rejetées, notamment en raison de mentions dans le Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ) ou d’inscriptions au bulletin numéro 2 (B2) du casier judiciaire. Cet article explore les principales causes de refus, y compris le TAJ, et détaille les démarches pour contester cette décision devant le tribunal administratif. 1. Les raisons fréquentes de refus de la carte professionnelle CNAPS Le CNAPS évalue les dossiers de manière rigoureuse, et les refus sont souvent motivés par des éléments relatifs à la moralité et à la fiabilité du demandeur. Parmi les raisons les plus fréquentes de refus, on trouve : Le Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ) : le TAJ est un fichier qui recense les antécédents judiciaires et policiers d'une personne, y compris des faits n'ayant pas donné lieu à une condamnation. La présence de mentions dans le TAJ peut conduire le CNAPS à considérer que le demandeur ne présente pas les garanties suffisantes pour exercer dans la sécurité privée. Les condamnations inscrites au bulletin n°2 du casier judiciaire (B2) : les inscriptions au B2 concernent des condamnations qui, bien qu'elles puissent être anciennes, peuvent influencer la décision du CNAPS, notamment si elles portent sur des infractions incompatibles avec l'exercice des activités privées de sécurité. Des erreurs ou omissions dans le dossier : un dossier incomplet ou comportant des informations inexactes peut être rejeté, reflétant un manque de sérieux ou de transparence. Condition liée à la régularité de séjour non remplie : un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Unions européenne doit justifier être titulaire d'un titre de séjour depuis au moins 5 ans. L’insuffisance de qualifications ou d’expérience : l'absence de preuves solides concernant les compétences et l'expérience peut entraîner un refus. Le niveau de connaissance de la langue française doit être suffisant pour les étrangers (niveau B1 du cadre européen de référence pour les langues). 2. Les démarches de recours en cas de refus : la procédure devant le Tribunal administratif Si le CNAPS refuse de délivrer la carte professionnelle, il est possible de contester cette décision en engageant un recours contentieux devant le tribunal administratif. Voici les étapes à suivre : a. Dépôt du recours Délai : Le recours doit être déposé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de refus. Forme du recours : Le recours doit être formalisé par une requête écrite adressée au tribunal administratif compétent, exposant les motifs de la contestation. Urgence : Si vous risquez de perdre votre emploi, il faut déposer parallèlement au recours en annulation, une requête en référé suspension b. Contenu du recours Exposé des faits : Présenter les circonstances du refus et les éléments du dossier. Arguments juridiques : Développer des moyens de droit pour contester la légalité de la décision du CNAPS, tels que l'erreur manifeste d'appréciation, le défaut de motivation, ou la violation des droits de la défense. Pièces justificatives : Joindre tous les documents pertinents, notamment les justificatifs de formation, d'expérience professionnelle, et tout élément permettant de contextualiser les mentions au TAJ ou au B2. c. Instruction du recours Échanges de mémoires : Le tribunal administratif peut demander des observations complémentaires. Les parties échangent des mémoires pour préciser leurs arguments. Audience publique : Le recours est examiné lors d'une audience publique. Le requérant peut présenter oralement ses arguments, mais la présence n'est pas obligatoire puisque la procédure est essentiellement écrite. d. Décision du tribunal Jugement : Le tribunal rend sa décision après délibéré. Si le recours est accueilli, la décision de refus du CNAPS est annulée, et l'administration est tenue de délivrer la carte professionnelle ou de réexaminer la demande en tenant compte des motifs retenus par le tribunal. 3. Conseils pour préparer un recours efficace Se faire accompagner par un avocat expérimenté : Un avocat en droit administratif et familier avec les procédures liées au CNAPS peut aider à structurer le recours et à développer des arguments juridiques pertinents. Soigner la présentation du dossier : La clarté et la précision des informations fournies sont essentielles. Il est important de contextualiser les mentions au TAJ ou au B2, en fournissant des explications et des preuves de réhabilitation ou de changement de comportement. Respecter les délais et les formalités : Le non-respect des délais ou des exigences formelles peut entraîner le rejet du recours pour des raisons de procédure. 4. Prévenir les refus : conseils pour la constitution du dossier initial Vérifier l’exactitude des informations et justificatifs fournis : S'assurer que toutes les informations fournies sont exactes et complètes et que les justificatifs exigés sont joints. Anticiper les éléments sensibles : Si des mentions au TAJ ou au B2 existent, procéder à leur effacement avant de déposer votre demande. Conclusion Le refus de la carte professionnelle par le CNAPS n'est pas une fatalité. En comprenant les motifs de refus et en connaissant les voies de recours, notamment la procédure devant le tribunal administratif, il est possible de défendre ses droits et de maximiser ses chances d'exercer dans le domaine de la sécurité privée.
par Zelimkhan Chavkhalov 24 octobre 2024
C'est en somme ce que rappelle le Tribunal administratif de Paris dans un récent jugement du 18 octobre 2024 , n° 2315070. En l'espèce, un agent de sécurité avait saisi le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) d'une demande de renouvellement de sa carte professionnelle. En se fondant sur la présence d'une mention au fichier du Traitement des antécédentes judiciaires (TAJ) relative à une mise en cause pour des faits de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance, le directeur du CNAPS avait rejeté la demande de l'agent de sécurité. L'intéressé avait alors introduit une requête en annulation devant le Tribunal administratif de Paris le 26 juin 2023. Sans surprise, le directeur du CNAPS a conclu au rejet de la requête de l'agent de sécurité. Toutefois, le Tribunal administratif estime dans sa décision que " l'administration ne produit aucun élément probant établissant la matérialité des faits reprochés à M. B, alors que ce dernier les conteste sérieusement . En effet, le requérant soutient, sans être contredit par le CNAPS, que s'il a bien fait l'objet, le 24 août 2021, d'un contrôle de police au cours duquel il ne disposait pas de l'attestation d'assurance du véhicule qu'il conduisait, il a été en mesure d'établir postérieurement à ce contrôle que le véhicule était bien assuré et il fait valoir qu'aucune procédure pénale n'a été engagée suite à ce contrôle de police. Dans ces conditions, les faits reprochés à M. B dans la décision attaquée n'étant pas établis , celui-ci est fondé à soutenir que le directeur du CNAPS a commis une erreur d'appréciation en estimant que ses agissements étaient incompatibles avec l'exercice d'une activité privée de sécurité ". Le Tribunal administratif annule donc la décision du directeur du CNAPS en estimant que celle-ci a été entachée d'une erreur d'appréciation. Au-delà du fait que le moyen retenu tiré de l'erreur d'appréciation paraît maladroit, dès lors que la motivation de la décision correspond davantage à une inexactitude matérielle des faits (moyen tiré de l'erreur de fait donc), cette décision rappelle que la seule inscription d'une mise en cause dans le fichier TAJ ne peut suffire pour fonder une décision de rejet d'une carte professionnelle d'agent privé de sécurité, dès lors que les faits sont sérieusement contestés par l'intéressé et que le CNAPS n'apporte aucun élément probant de nature à en établir la matérialité. Le jugement du Tribunal administratif de Paris rappelle donc qu'il est extrêmement important de contester la matérialité des faits, lorsque les mises en cause pénales n'ont donné lieu à aucune condamnation. En effet, comme j'ai pu l'évoquer dans mon article précédent sur l'importance d'une telle contestation , il appartient au directeur du CNAPS de produire les éléments permettant de considérer que les faits fondant la mise en cause pénale sont établis, lorsqu'il sont contestés par le pétitionnaire et n'ont connu aucune suite judiciaire. Par ailleurs, dès 2019, la Cour administrative d'appel de Marseille avait considéré qu'en l'absence de tels éléments, le CNAPS ne mettait pas la Cour en mesure d'apprécier la matérialité des faits reprochés ( Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème Chambre, 28 juin 2019, 18MA01305 ). Ce principe a également été appliqué par les Tribunaux administratifs de Nantes, Toulouse et Pau : Tribunal administratif de Nantes, 3ème Chambre, 15 juillet 2024, 2108999 ; Tribunal administratif de Toulouse, 29 décembre 2023, 2307428 ; Tribunal administratif de Pau, 2ème Chambre, 26 décembre 2023, 2100868 ; Tribunal administratif de Nantes, 21 octobre 2022, 2213133 . En conclusion, le jugement du Tribunal administratif de Paris illustre l'importance cruciale de la contestation des faits lorsqu'un agent de sécurité fait l'objet d'une mise en cause au fichier TAJ. Cette décision souligne que l'absence d'éléments probants de la part du CNAPS rend la décision de rejet d'une demande de carte professionnelle infondée. Ainsi, cette affaire constitue un rappel fort de l'importance d'une défense proactive face à des accusations sans suite judiciaire, assurant ainsi une meilleure garantie des droits des professionnels dans le secteur de la sécurité privée.
par Zelimkhan Chavkhalov 18 septembre 2024
Récemment, trois décisions en référés ont été prises venant à contre-courant de la jurisprudence pour la caractérisation de la condition liée à l'urgence dans le cadre d'une requête en référé suspension contre les retraits ou refus de renouvellement de carte professionnelle d'agent privé de sécurité. En effet, l'employeur a pour obligation de veiller à la validité du titre de l'agent qu'il emploie, de sorte que lorsque la carte professionnelle n'est plus valide, en raison soit d'un retrait par le directeur du CNAPS, soit d'un refus de renouvellement, le licenciement du salarié s'impose. En pratique, les sociétés de sécurité privée ont pour habitude de suspendre le contrat de travail de l'agent de sécurité, pour laisser le temps à ce dernier de se mettre en conformité de la loi. Mais il arrive couramment que ces sociétés prennent des décisions hâtives et licencient l'agent de sécurité, dès l'instant qu'il ne bénéficie plus d'une carte professionnelle. Pour rappel, de telles décisions peuvent être contestées dans le cadre d'un recours en annulation devant le Tribunal administratif compétent. Dès lors que la procédure dure entre 24 et 36 mois, selon le tribunal en cause, ce recours peut être complété par une requête distincte en référé, dans le cadre de laquelle, l'agent de sécurité peut demander la suspension des effets de la décision de retrait ou de refus de renouvellement qui lui a été opposée par le CNAPS. L'agent de sécurité peut en outre demander une injonction au juge des référés à l'égard du directeur du CNAPS, pour qu'à minima, une autorisation provisoire lui soit accordée. Un obstacle de taille se dresse devant l'agent de sécurité pour que cette procédure en référé puisse aboutir : avant de vérifier s'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision, le juge des référés doit d'abord et avant tout, constater qu'il existe une urgence objective. C'est donc à l'agent de sécurité d'apporter les éléments qui démontrent qu'il se trouve en situation d'urgence. Selon une formule classique de la jurisprudence, le juge doit vérifier que " la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre " ( CE, Confédération nationale des radios libres, 19 janvier 2001, n°228815 ). S'agissant des décisions de retrait ou de refus de renouvellement de la carte professionnelle, la jurisprudence considère que ne justifie pas de l'urgence, l'agent de sécurité dont le contrat de travail a déjà été rompu à la date où le juge des référés se prononce, sauf à démontrer des circonstances particulières liées notamment à la situation familiale de l'intéressé ( Tribunal administratif de Melun, 4 avril 2024, 2404067 ; Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 2 novembre 2022, 2214066 ; Tribunal administratif de Versailles, 29 juillet 2022, 2205760 ). Néanmoins, s'agissant du retrait de la carte professionnelle, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris vient d'admettre de manière générale, la caractérisation de la condition liée à l'urgence, dans deux ordonnances rendues le même jour, alors que les contrats de travail avaient été d'ores et déjà rompus dans les deux affaires, sans qu'il soit exigé la démonstration de circonstances particulières de la part des deux agents de sécurité en cause. Dans la première décision le juge des référés énonce que : " Il résulte de l'instruction que la société Accueil sécurité incendie (ASI), employeur de M. B en tant qu'agent de sécurité privée, a mis fin à son contrat dès la notification de la décision de retrait de sa carte professionnelle, le 13 juillet 2024, ainsi que le démontre le bulletin de salaire de l'intéressé afférent au mois de juillet 2024. M. B fait valoir sans être contesté qu'il tire ses seuls revenus de son emploi au sein de la société ASI et établit qu'il vit au domicile de ses parents à qui il verse chaque mois la somme de 550 euros à titre de soutien financier. Par suite, les effets de la décision litigieuse sur la situation personnelle de M. B sont de nature à caractériser une situation d'urgence au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative " ( Tribunal administratif de Paris, 23 août 2024, 2421934 ). Dans la seconde décision, ce même juge des référés estime que : " Il résulte de l'instruction que la société Accueil sécurité incendie (ASI), employeur de M. B en tant qu'agent de sécurité privée, a mis fin à son contrat dès la notification de la décision de retrait de sa carte professionnelle, le 13 juillet 2024, ainsi que le démontre le bulletin de salaire de l'intéressé afférent au mois de juillet 2024. M. B fait valoir sans être contesté qu'il tire ses seuls revenus de son emploi au sein de la société ASI. Par suite, les effets de la décision litigieuse sur la situation personnelle de M. B sont de nature à caractériser une situation d'urgence au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative " ( Tribunal administratif de Paris, 23 août 2024, 2421935 ). Enfin, plus récemment encore, le juge des référés du Tribunal administratif de Lille a appliqué le même raisonnement pour un refus de renouvellement de la carte professionnelle ( Tribunal administratif de Lille, 26 août 2024, 2408356 ). Ainsi, la condition liée à l'urgence pour l'introduction d'une requête en référé suspension, peut être remplie, même lorsque le licenciement est déjà intervenu, sans qu'il soit nécessaire de faire la démonstration de circonstances particulières comme l'exigeait la jurisprudence antérieure.
par Zelimkhan Chavkhalov 1 janvier 2024
Par un jugement du 23 décembre 2023, le Tribunal administratif de Pau a mis en évidence l'importance de ne jamais admettre la réalité des faits ayant fondé des mises en cause pénales suivies d'une inscription dans le fichier du Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ). Dans cette affaire, le CNAPS avait refusé l'autorisation préalable à une formation d'agent privé de sécurité à un pétitionnaire en raison de plusieurs mentions le concernant dans le TAJ. Le refus avait été contesté par l'intéressé, d'abord devant la CNAC, puis devant le Tribunal administratif. Il convient de rappeler qu'à la suite de la réforme de 2022, la CNAC (Commission nationale d’agrément et de contrôle) et les CLAC (Commissions locales d’agrément et de contrôle) n'existent plus, y compris pour le recours administratif préalable obligatoire. Le Tribunal administratif de Pau annule la délibération de la CNAC en considérant que " s'il ressort des pièces du dossier que M. B a fait l’objet de deux mentions au fichier du traitement des antécédents judiciaires dans le cadre de procédures pour les faits précédemment rappelés, le CNAPS n’apporte toutefois aucun élément circonstancié de nature à les caractériser alors qu’ils n’ont fait l’objet d’aucune condamnation et que M. B conteste les avoir commis. Dans ces conditions, le CNAPS ne met pas le tribunal en mesure d’en apprécier la matérialité, alors qu’au demeurant, les mentions sur ce fichier ont fait l’objet d’un effacement postérieurement à la délibération attaquée. Dès lors, il y a lieu de regarder les deux motifs opposés par la CNAC comme étant entachés d’une erreur de fait ". Deux points importants sont à souligner s'agissant de cette décision : 1) il ne faut jamais admettre de quelque manière que ce soit la réalité des faits ayant pour origine les mises en cause pénales inscrites dans le TAJ et 2) c'est le CNAPS qui doit apporter des éléments circonstanciés permettant de considérer que les faits à l'origine de la mise en cause sont établis. 1) Ne jamais reconnaître les faits ! Lorsque vous solliciter la délivrance d'une autorisation préalable, d'une carte professionnelle ou d'un agrément dirigeant au CNAPS, celui-ci consulte, par l'intermédiaire de ses agents habilités, les informations vous concernant dans le TAJ. Si par malheur, des mentions y figurent, les occasions ne vous manqueront pas de commettre l'irréparable en reconnaissant les faits à l'origine de ces mentions. Evidemment, ce dont on parle ici, ce sont les mises en cause dont les procédures ont été classées sans suite sans aucune condamnation pénale. Avant de vous notifier une quelconque décision de refus, le CNAPS a l'obligation de vous inviter à présenter vos observations sur les résultat de l'enquête administrative vous concernant, ayant abouti à la découverte par celui-ci de vos mises en cause pénales. S'il ne le fait pas, sa décision peut être annulée par le juge administratif pour vice de procédure et notamment le non respect de la procédure préalable contradictoire. A cette occasion, il ne faut surtout pas être ambigu sur la contestation des faits à l'origine des mises en cause qui vous concernent. Evitez par exemple d'évoquer des "excuses" ou le "pardon", puisqu'il peut être considéré que par ces locutions, vous reconnaissez avoir commis les faits. Il en va de même, si vous décidez après la notification du refus, d'adresser un recours gracieux au Directeur du CNAPS. Là encore, on rappellera qu'il n'est pas obligatoire de le faire, comme ce fut le cas pour les recours adressés à la CNAC. A l'occasion de ce recours facultatif, il faut également fermement contester la matérialité des faits qui vous sont reprochés et il en vaudra de même pour le recours déposé devant le juge administratif. 2) C'est au CNAPS d'apporter les éléments permettant de considérer que les faits sont établis ! Dans le cadre de la consultation du TAJ, le CNAPS n'a en général pas connaissance de l'issue des procédures inscrites dans ce fichier. Rien ne l'empêche cependant de demander des informations complémentaires au bureau d'ordre pénal ayant eu à traiter de ces procédures. S'il ne le fait pas, cela ne constitue pas une irrégularité. En revanche, tout comme dans le jugement commenté, il lui sera reproché de ne pas apporter les éléments permettant de considérer que les faits à l'origine des mises en cause sont établis. Si à aucun moment de la procédure, soit depuis le courrier du CNAPS vous demandant vos observations, jusqu'au recours déposé devant le Tribunal administratif, vous n'avez reconnu la réalité des faits à l'origine des mentions dans le TAJ, le juge administratif peut considérer que les faits ne sont pas établis et ainsi, annuler la décision de refus que vous attaquez. C'est précisément ce que relève le Tribunal administratif de Pau dans le jugement commenté, puisqu'il semble que le CNAPS n'a apporté aucune information sur l'issue des procédures. A savoir également que, les mentions dans le TAJ avaient été effacées postérieurement à la délibération de la CNAC attaquée. La juridiction a tenu compte non pas de l'effacement en lui-même, puisqu'il est intervenu après la décision du CNAPS et dès lors qu'en la matière le juge statue à la date de la décision attaquée, mais plutôt de l'impossibilité d'établir la réalité des faits à l'origine de la mise en cause, ayant fondé la décision de refus de l'autorisation préalable. Enfin, j'émets également des réserves sur la portée de ce jugement, puisque jusqu'à maintenant, la jurisprudence admettait la légalité des décisions du CNAPS dès lors qu'il existait des mentions dans le TAJ, sauf à démontrer pour le requérant, que ces faits n'étaient pas avérés. Nous verrons donc si le jugement est confirmé en appel, à condition bien sûr que le CNAPS saisisse la cour administrative d'appel de Bordeaux. TA Pau, 2e ch., 26 décembre 2023, n° 2100868
par Zelimkhan Chavkhalov 16 juin 2023
Par un jugement du 6 juin 2023, le Tribunal administratif de Melun vient de préciser l'étendue du contrôle opéré par le juge administratif lorsqu'il est saisi d'un recours à l'encontre d'une sanction disciplinaire prononcée par le CNAPS, fondé sur la violation de l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH).
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