Zelimkhan CHAVKHALOV - Avocat à Strasbourg

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Refus d'agrément du CNAPS et procédure contradictoire préalable

Zelimkhan Chavkhalov • 9 janvier 2023

J'ai eu l'occasion de contester devant le Tribunal administratif de Strasbourg un refus de renouvellement de la carte professionnelle pour un client exerçant en qualité d'agent privé de sécurité auprès d'une société qui l'employait dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Une requête en référé suspension a également été déposée pour demandé la suspension des effets de la décision du CNAPS.


Par une ordonnance du 21 décembre 2022, le juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg rappelle que la procédure contradictoire préalable s'impose, de sorte que le CNAPS n'est pas en mesure de refuser l'agrément d'agent de sécurité privée ou son renouvellement, sans avoir préalablement invité l'intéressé à présenter ses observations conformément à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration.


TA Strasbourg, 21 déc. 2022, n° 2208084


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Maître Zelimkhan CHAVKHALOV
Refus de carte professionnelle d'agent de sécurité : le rappel à la loi insuffisant
par Zelimkhan Chavkhalov 4 juillet 2025
Un rappel à la loi peut-il, à lui seul, justifier le refus d’une carte professionnelle d’agent de sécurité privée lorsque l’intéressé conteste fermement les faits reprochés ? C’est à cette question qu’a répondu la Cour administrative d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 27 juin 2025 (n° 23BX01393) . La Cour répond par la négative : un rappel à la loi, mesure dépourvue d’autorité de chose jugée, ne peut suffire à lui seul à justifier un refus de carte professionnelle lorsque les faits sont contestés par l’intéressé, en l’absence d’autres éléments probants. Cette décision apporte ainsi une clarification importante pour les agents de sécurité privée et le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) en matière d’enquête de moralité et de prise en compte d’antécédents non sanctionnés pénalement. La réponse apportée par la CAA de Bordeaux La Cour administrative d’appel de Bordeaux était saisie du cas d’un agent de sécurité s’étant vu refuser sa carte professionnelle par le CNAPS au motif qu’il avait fait l’objet, en 2020, d’un rappel à la loi pour des faits de violences volontaires en réunion avec arme commis en 2017. L’agent contestait formellement avoir commis ces violences. Le CNAPS soutenait, de son côté, que le rappel à la loi – mesure alternative aux poursuites prévue par le code de procédure pénale – établissait la réalité des faits. La cour a donné raison à l’agent de sécurité. Elle rappelle qu’un rappel à la loi n’a pas la valeur d’un jugement : c’est une mesure de procédure pénale dépourvue de l’autorité de la chose jugée, qui ne constitue pas en soi une preuve de la réalité des faits reprochés ni de la culpabilité de la personne visée. Autrement dit, ce simple avertissement du procureur ne suffit pas à considérer les faits comme établis, surtout lorsque l’intéressé les conteste formellement . Or, dans l’affaire jugée, le requérant avait certes « pris acte » de la notification du rappel à la loi, mais il avait ensuite nié devant le juge administratif avoir commis ces violences, et aucun élément probant n’était versé au dossier par le CNAPS pour corroborer la mise en cause. Dans ces conditions, la cour estime que l’administration a fondé son refus de délivrer la carte professionnelle sur des faits matériellement inexacts , faute de preuve suffisante. Le motif tiré de l’incompatibilité du comportement de l’agent avec la profession de sécurité privée se trouvait donc entaché d’erreur d’appréciation, justifiant l’annulation du refus. Le rappel à la loi : une mesure sans condamnation qui ne préjuge pas de la culpabilité Pour bien comprendre la portée de cette décision, il faut rappeler ce qu’est un rappel à la loi . Il s’agit d’une mesure alternative aux poursuites que le procureur de la République peut décider de mettre en œuvre, au lieu de faire juger le mis en cause. Concrètement, au lieu d’engager un procès, le procureur « rappelle » simplement à l’auteur présumé d’une infraction les obligations résultant de la loi, par la remise d'un document officiel par un officier de police judiciaire. Cette mesure intervient souvent pour des faits jugés peu graves ou lorsqu’il s’agit d’une première mise en cause, et elle peut viser à apaiser le trouble causé par l’infraction ou à favoriser l’amendement de l’intéressé. Toutefois, le rappel à la loi n’est pas une condamnation : il n’y a ni juge, ni reconnaissance judiciaire de culpabilité. En droit administratif, il est constant que l’autorité de la chose jugée au pénal ne s’attache qu’aux décisions des juridictions de jugement ayant statué sur le fond. Un rappel à la loi, qui intervient sans jugement, n’a donc pas cette force obligatoire. La jurisprudence administrative considère de longue date que les faits constatés par le procureur lors d’une mesure alternative ne lient ni l’administration, ni le juge administratif . Il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, d’ apprécier si les faits sont suffisamment établis et s’ils justifient une décision défavorable. L’arrêt de la CAA de Bordeaux s’inscrit dans cette ligne jurisprudentielle protectrice : il faut des éléments concrets pour prouver le comportement reproché lorsque l’intéressé le conteste. Conséquences pour les agents de sécurité privée et le CNAPS Pour les professionnels de la sécurité privée, cette décision de la CAA de Bordeaux est rassurante . Elle signifie que leur autorisation d’exercer ne pourra pas être refusée ou retirée sur la seule base d’une accusation non vérifiée ayant abouti à un rappel à la loi , surtout s’ils n’ont jamais été condamnés et qu’ils nient les faits. Autrement dit, un agent de sécurité mis en cause dans une affaire pénale mais non poursuivi avec un rappel à la loi, garde toutes ses chances d’obtenir ou de conserver sa carte professionnelle, dès lors qu’aucune preuve tangible ne vient confirmer les faits reprochés. En cas de décision négative du CNAPS appuyée sur de tels éléments fragiles, l’agent aura intérêt à exercer un recours en soulignant l’absence de base légale solide. Pour le CNAPS et les autorités administratives en général, l’arrêt impose une obligation de rigueur dans l’instruction des dossiers . Le CNAPS doit bien sûr veiller à la moralité des candidats (conformément aux dispositions du code de la sécurité intérieure), et il est en droit d’examiner des faits même non sanctionnés pénalement pour apprécier la probité et le comportement d’un demandeur. Néanmoins, cette appréciation doit reposer sur des éléments objectifs et circonstanciés . Si un candidat a été mis en cause pour des faits graves (violences, vols, etc.), le CNAPS devra idéalement disposer de pièces établissant la réalité de ces faits : par exemple un procès-verbal détaillé, des témoignages crédibles, ou encore des aveux ou éléments non contestés par l’intéressé. À défaut, s’il ne s’agit que d’une mention au TAJ pour une mise en cause ayant abouti à un rappel à la loi sans autre preuve, le risque est grand qu’un juge considère la décision de refus comme infondée. En somme, le CNAPS doit concilier sa mission de protection du public avec le respect des droits des agents de sécurité , en s’assurant de ne pas « punir » un candidat sur de simples soupçons. Une portée désormais limitée : disparition du rappel à la loi Il convient toutefois de souligner que cette jurisprudence, bien qu'importante, a une portée limitée dans le temps. En effet, le rappel à la loi a été supprimé depuis le 1er janvier 2023 , en application de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire. Il a été remplacé par l’avertissement pénal probatoire , une nouvelle mesure alternative aux poursuites. Contrairement au rappel à la loi, ce mécanisme nécessite une reconnaissance expresse de culpabilité de la part de la personne mise en cause, condition préalable à sa mise en œuvre. Dès lors, l’enseignement de l’arrêt de la CAA de Bordeaux ne saurait être transposé aux situations dans lesquelles l’administration fonderait une décision de refus sur un avertissement pénal probatoire. Dans ce cas, la reconnaissance des faits prive l’intéressé de la possibilité de contester leur matérialité , ce qui modifie fondamentalement l’appréciation que peut en faire le juge administratif. https://justice.pappers.fr/decision/d685a09c4e77702b49f778f829c4548de421e2fd
CNAPS : enquête administrative obligatoire à chaque demande
par Zelimkhan Chavkhalov 22 juin 2025
Lorsqu’un professionnel du secteur de la sécurité privée dépose une demande d’autorisation, le CNAPS est tenu de vérifier sa moralité par une enquête administrative. Mais peut-il se contenter d’anciens éléments issus d’un précédent dossier ? Le Tribunal administratif de Montreuil a répondu clairement dans un jugement du 18 juin 2025 : " il appartenait au CNAPS, dans le cadre de l'instruction de la demande (...), de procéder à une enquête sur le requérant, donnant le cas échéant lieu, dans le respect des décisions de l'autorité judiciaire, à une nouvelle consultation du fichier du traitement des antécédents judiciaires, et ce même s'il avait déjà été procédé à une telle enquête dans le cadre de l'instruction d'une précédente demande présentée par l'intéressé " Contexte Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) est l’organisme chargé de délivrer les cartes professionnelles aux agents de sécurité privée et d’accorder les autorisations préalables à la formation pour accéder à ces métiers. Chaque demande fait l’objet d’une enquête administrative visant à vérifier la moralité du candidat – en particulier, l’absence de comportements contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs, ou de faits susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens. En pratique, cette enquête consiste notamment en la consultation, par des agents habilités du CNAPS, de fichiers de police et de justice tels que le Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ). Si des mentions incompatibles avec l’activité de sécurité privée apparaissent (par exemple des condamnations pour violences, vols, etc.), le CNAPS peut refuser la délivrance de la carte professionnelle ou de l’agrément demandé. Une affaire récente jugée par le Tribunal administratif de Montreuil le 18 juin 2025 illustre un point crucial de cette procédure : le CNAPS a l’obligation de diligenter une nouvelle enquête administrative pour chaque nouvelle demande , et ne peut pas se contenter de réutiliser des informations obtenues lors d’une précédente demande. Dans cette affaire, un candidat avait sollicité en septembre 2023 une autorisation préalable pour suivre une formation d’agent de sécurité. Le CNAPS a refusé sa demande le 18 septembre 2023 en se fondant sur des faits anciens figurant à son dossier : deux mises en cause pour violences conjugales datant de juin et juillet 2019. Or, ces faits avaient entre-temps fait l’objet de décisions judiciaires : le tribunal correctionnel l’avait relaxé pour l’épisode de juin 2019, et condamné à une amende pour celui de juillet 2019. Surtout, le procureur de la République, par une décision du 20 juin 2023, avait ajouté une « mention » dans le fichier TAJ concernant la condamnation de 2019 – une mesure visant à empêcher que l’administration (dont le CNAPS) ne puisse consulter ces données lors d’enquêtes administratives. Fort de cette mention favorable à sa réinsertion professionnelle, le candidat avait attendu septembre 2023 pour déposer sa nouvelle demande. Il faisait valoir devant le tribunal que le CNAPS, lors de l’instruction de sa demande, ne pouvait légalement se référer ni aux faits du 29 juin 2019 (soldés par une relaxe), ni à ceux du 27 juillet 2019, sans méconnaître la portée de la décision du procureur du 20 juin 2023. En d’autres termes, l’administration n’aurait pas dû utiliser ces informations judiciaires anciennes, qui étaient désormais inaccessibles dans le cadre d’une enquête administrative du fait de la mention apposée par le procureur. L’obligation de refaire une enquête administrative à chaque demande Le Tribunal administratif de Montreuil a donné raison au requérant et rappelé fermement le principe suivant : pour chaque nouvelle demande de carte professionnelle ou d’autorisation, le CNAPS doit mener une nouvelle enquête administrative, même s’il en a déjà réalisé une lors d’une précédente demande . Autrement dit, chaque demande doit être instruite sur la base de données actualisées et dans le respect des décisions de l’autorité judiciaire intervenues entre-temps. Dans cette affaire, le CNAPS s’était défendu en produisant un extrait du fichier TAJ daté du 8 février 2022 – document obtenu lors d’une précédente instruction, donc avant la décision du procureur de juin 2023. Toutefois, le tribunal a relevé que cet extrait avait été obtenu avant même le dépôt de la nouvelle demande de septembre 2023, et ne pouvait servir de fondement légal pour statuer sur celle-ci. Il appartenait au CNAPS de procéder à une nouvelle consultation du TAJ lors de l’instruction de la demande de 2023 , dans le respect des décisions judiciaires (en l’occurrence, en tenant compte de la mention empêchant l’accès aux données sensibles). En continuant à s’appuyer sur l’extrait de 2022, le CNAPS a violé cette obligation. Le jugement précise que l’autorité administrative ne peut légalement fonder sa décision de rejet sur des informations issues exclusivement d’une consultation irrégulière du TAJ, c’est-à-dire obtenues en méconnaissance d’une interdiction légale. En droit, l’article 230-8 du code de procédure pénale dispose que lorsque certaines données personnelles d’une personne mise en cause font l’objet d’une mention (par exemple à la suite d’un classement sans suite ou d’une décision expurgée), elles ne peuvent plus être consultées dans le cadre des enquêtes administratives de sécurité. Aucun texte n’autorise l’administration à déroger à cette interdiction. Dans le cas présent, la mention ajoutée par le procureur en juin 2023 rendait donc illégale toute prise en compte par le CNAPS des faits de 2019 lors d’une enquête postérieure à cette date. En s’appuyant malgré tout sur ces faits (grâce à un extrait TAJ obtenu antérieurement à la mention), le CNAPS a contourné l’intention du législateur et du procureur – ce que le tribunal a sanctionné. Conséquences de la décision : un rappel à l’ordre pour le CNAPS et des droits renforcés pour les candidats Par son jugement du 18 juin 2025, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de refus du 18 septembre 2023 pour excès de pouvoir. Le tribunal a estimé que le directeur du CNAPS, en fondant son refus sur les faits de 2019, avait méconnu l’autorité attachée à la décision judiciaire de 2021 (relaxe) et à la décision du procureur de 2023 (mention interdisant la consultation). En conséquence, il a été enjoint au CNAPS de réexaminer la demande du requérant dans un délai de deux mois. Le candidat obtient donc une nouvelle chance d’accéder à la formation, cette fois avec l’assurance que les faits de 2019 ne pourront légalement plus être retenus contre lui. Le CNAPS a par ailleurs été condamné à verser 1 100 € au titre des frais de justice du requérant. Cette décision constitue un sérieux rappel à l’ordre pour le CNAPS dans sa façon de traiter les demandes. Désormais, il est clair que chaque demande doit donner lieu à une enquête de probité distincte et actualisée, sans raccourci possible. Pour les professionnels de la sécurité privée et les candidats, c’est une garantie importante : un refus passé ne signifie pas qu’une nouvelle demande sera automatiquement rejetée sur les mêmes bases factuelles. Si, par exemple, un candidat a depuis fait effacer son casier judiciaire ou bénéficié d’une décision de justice favorable (relaxe, classement sans suite, mention procureur), le CNAPS devra en tenir compte et ne pas ressortir indûment de vieux dossiers pour motiver un nouveau refus. En pratique, un candidat qui essuie un refus peut, une fois les problèmes régularisés, redéposer une demande en étant en droit d’attendre une réévaluation objective de sa situation. En conclusion, le CNAPS est tenu de respecter scrupuleusement les règles encadrant les enquêtes administratives de sécurité. Chaque nouvelle demande est indépendante des précédentes et doit être examinée à l’aune des informations légalement disponibles au moment de la demande . Toute décision de rejet fondée sur des éléments obsolètes ou frappés d’une interdiction de consultation s’expose à l’annulation par le juge administratif. Ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil vient renforcer la confiance des justiciables dans le fait que leurs droits seront préservés lors de l’instruction de leur dossier, et rappelle à l’administration que la rigueur procédurale est de mise à chaque étape. Ce faisant, il contribue à équilibrer l’objectif de sécurité publique avec le nécessaire respect des droits individuels des candidats aux métiers de la sécurité privée. https://justice.pappers.fr/decision/9dcf2dc66e272138e7f9595d28472d1da2ac97c5
Société de sécurité privée dirigée par une personne morale : le CNAPS peut-il refuser l’autorisation
par Zelimkhan Chavkhalov 11 juin 2025
L’autorisation d’exercer délivrée par le CNAPS est indispensable pour toute entreprise souhaitant proposer des prestations de sécurité privée. Encore faut-il que cette société soit dirigée par une personne physique titulaire d’un agrément. Mais qu’en est-il lorsqu’une société est présidée par une autre société (personne morale), elle-même dirigée par une personne physique agréée ? Dans un arrêt du 5 juin 2025 ( CAA Lyon, 6e ch., 5 juin 2025 ), la cour administrative d’appel de Lyon apporte un éclairage important sur ce point, en annulant un refus d’autorisation fondé sur une lecture trop rigide des textes par le CNAPS. Cette décision clarifie les exigences applicables en cas de direction indirecte et rappelle l’articulation entre droit de la sécurité privée et droit des sociétés. Contexte de l’affaire Dom Sécurité France (CAA Lyon, 5 juin 2025) Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) est l’autorité chargée de délivrer les autorisations d’exercice aux entreprises de sécurité privée et les agréments de dirigeant aux personnes qui les dirigent. En l’espèce, la société Dom Sécurité France (forme SAS) s’est vu refuser par le CNAPS l’autorisation d’exercer pour son établissement secondaire de Saint-Priest au motif que son dirigeant n’était pas une personne physique agréée. En effet, Dom Sécurité France a pour président une autre société (la SAS Groupe Dom) au lieu d’un individu directement. Le CNAPS a considéré que cette structure violait le Code de la sécurité intérieure, qui exige qu’une société de sécurité privée soit dirigée par une personne physique titulaire de l’agrément prévu à l’article L.612-6 du CSI. Dom Sécurité France a contesté ce refus devant le juge administratif. Issue principale : Une société de sécurité privée peut-elle obtenir son autorisation d’exercer si son représentant légal est une personne morale (une autre société) dont le dirigeant (personne physique) dispose d’un agrément ? Ou bien faut-il, comme le soutenait le CNAPS, que le dirigeant soit directement une personne physique agréée ? L’affaire posait donc la question de l’articulation entre les exigences du Code de la sécurité intérieure et le droit des sociétés (notamment l’article L.227-7 du Code de commerce sur les SAS dirigées par une personne morale). Exigences légales : autorisation d’exercer et agrément du dirigeant Autorisation d’exercice : Les entreprises de sécurité privée doivent obtenir une autorisation administrative pour exercer, distinctement pour chaque établissement (siège et établissements secondaires). Cette obligation s’applique aux personnes morales tout comme aux entrepreneurs individuels, sous peine d’illégalité de l’activité exercée. Par exemple, dans une affaire de 2023, la SAS JDC avait été sanctionnée pour avoir fourni des prestations de sécurité sans détenir l’autorisation pour son siège ni pour ses 41 agences, et sans que ses dirigeants soient agréés. Le respect de l’autorisation d’exercer vise à garantir la régularité et la moralité des acteurs de la sécurité privée. Agrément du dirigeant : En parallèle, nul ne peut diriger ou gérer une société de sécurité privée s’il n’est titulaire de l’agrément prévu à l’article L.612-6 du Code de la sécurité intérieure. Cet agrément est une forme de « casier judiciaire vierge » et de vérification de la probité/professionnalisme du dirigeant. Il est délivré uniquement aux personnes physiques après enquête (contrôle de moralité, aptitude professionnelle, etc.), ce qui ressort du texte et de sa mise en œuvre réglementaire. Autrement dit, chaque société de sécurité doit avoir, à sa tête, un individu agréé par le CNAPS. Les supports officiels du CNAPS soulignent d’ailleurs que « la personne morale doit avoir pour dirigeant ou gérant une personne physique titulaire d’un agrément délivré par le CNAPS ». Ainsi, le cadre légal cherche à éviter qu’une personne non habilitée (par exemple ayant des antécédents incompatibles avec la sécurité privée) ne prenne le contrôle d’une entreprise de sécurité par quelque artifice que ce soit. La particularité d’une SAS présidée par une personne morale Le cas Dom Sécurité France mettait en lumière une situation atypique mais légale en droit des sociétés : une SAS dont le président est lui-même une personne morale (la SAS Groupe Dom). Ce montage est autorisé par le Code de commerce. En effet, une société par actions simplifiée peut être dirigée par une autre société, à condition que cette dernière désigne un représentant permanent (personne physique) pour exercer la fonction en son nom. Selon l’article L.227-6 du Code de commerce, la société présidente est investie des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la SAS. Et l’article L.227-7 du même code précise que lorsqu’une personne morale est nommée présidente ou dirigeante d’une SAS, les dirigeants de cette personne morale sont soumis aux mêmes conditions, obligations et responsabilités que s’ils étaient dirigeant en leur nom propre. Interprétation jurisprudentielle : La jurisprudence constante de la Cour de cassation considère que dans une telle configuration, c’est la personne morale qui assure la représentation légale de la SAS par l’intermédiaire de ses propres dirigeants. Ces derniers doivent être traités comme dirigeants de droit de la SAS pour l’application des obligations et responsabilités. Autrement dit, on ne peut pas échapper aux obligations légales du dirigeant en interposant une société-écran. Par exemple, la Cour de cassation a jugé qu’en application de l’article L.227-7, le dirigeant de la société présidente « ne peut qu’avoir également la qualité de dirigeant de droit » de la SAS qu’elle préside. Ce principe vise à éviter les fraudes ou les contournements de responsabilité en cascades de sociétés. Position du CNAPS versus argument de la société Dans l’affaire Dom Sécurité : Le CNAPS a adopté une lecture stricte du CSI : pour lui, Dom Sécurité France n’avait pas de dirigeant personne physique titulaire de l’agrément, puisque son président était une personne morale. Il importait peu qu’en pratique la société Groupe Dom soit elle-même dirigée par M. A... B..., lequel disposait bien d’un agrément en qualité de dirigeant de société de sécurité privée. Aux yeux du CNAPS, « peu importe que le président de Groupe Dom soit M. B... agréé », cela reste insuffisant car M. B... n’est pas directement le président de Dom Sécurité France. En somme, le CNAPS exigeait une concordance formelle : l’entité titulaire de l’autorisation (Dom Sécurité) doit avoir pour représentant légal immédiat une personne physique agréée, sans interposition d’une société tierce. La société Dom Sécurité France, au contraire, soutenait en creux que la présence de M. B... en tant que dirigeant de sa société mère suffisait à satisfaire aux obligations. M. B... disposait d’un agrément dirigeant valide jusqu’en septembre 2024. En application de l’article L.227-7 C. com., il était logiquement soumis aux « mêmes conditions et obligations » que s’il dirigeait Dom Sécurité France en son nom propre. Donc exiger qu’il soit directement président de la filiale aurait été formaliste, puisque matériellement il assumait déjà la responsabilité et les obligations du dirigeant vis-à-vis de Dom Sécurité France. L’agrément dirigeant de M. B... devait donc bénéficier à la filiale. Décision de la Cour administrative d’appel de Lyon La Cour administrative d’appel de Lyon a donné raison à la société, confirmant le jugement de première instance. Elle a annulé le refus du CNAPS et ordonné que l’autorisation d’exercer soit délivrée à Dom Sécurité France pour son établissement de Saint-Priest. Voici les principaux enseignements de son arrêt : Interprétation téléologique du CSI : Sur le fond, la Cour a procédé à une lecture combinée du Code de la sécurité intérieure et du Code de commerce. Elle rappelle d’abord l’exigence de l’agrément dirigeant pour quiconque dirige une entreprise de sécurité privée. Elle souligne ensuite ce qu’implique l’article L.227-7 C. com. : dans le cas d’une SAS dirigée par une personne morale, le dirigeant de cette dernière assume en réalité la fonction de dirigeant de la première. Cela signifie que le représentant de la personne morale présidente est soumis aux mêmes obligations légales que s’il était lui-même président. Or, parmi ces obligations figure précisément celle d’être titulaire de l’agrément CNAPS lorsqu’on dirige une entreprise de sécurité. Application au cas concret : Étant établi que M. B..., dirigeant de la SAS Groupe Dom (présidente de Dom Sécurité France), disposait bien de l’agrément valide au moment de la décision contestée, la Cour estime que la condition légale était remplie. Dom Sécurité France était donc, in fine, dirigée par une personne agréée, même si indirectement. Le CNAPS ne pouvait légalement refuser l’autorisation d’exercer « quand bien même la SAS Dom Sécurité France n’était pas directement dirigée par une personne physique ». Cette formule, tirée de l’arrêt, résume bien la solution : le droit des sociétés permet une direction par personne interposée sans méconnaître le droit de la sécurité intérieure, dès lors que l’obligation d’agrément du dirigeant est satisfaite par le biais du représentant permanent. Rejet du formalisme excessif : La CAA rejette ainsi l’argumentation littéraliste du CNAPS. Elle privilégie une approche finaliste conforme à l’objectif de la loi (s’assurer de la probité du dirigeant réel). Exiger que l’organigramme soit modifié pour mettre directement M. B... à la tête de Dom Sécurité eût été une vision formaliste et contraire à l’économie du droit des sociétés. La Cour indique clairement que le stratagème d’une présidence par personne morale ne permet pas d’éluder l’obligation d’agrément, mais que, inversement, il n’y a pas lieu d’exiger davantage que ce que requiert la loi. Ici, la loi requiert un dirigeant agréé ; M. B... l’était – mission accomplie. Le CNAPS est donc « non fondé » à soutenir que l’annulation prononcée en première instance était erronée. Portée et implications de l’arrêt Convergence droit public / droit des sociétés : La décision illustre une harmonisation bienvenue entre le droit public de la sécurité intérieure et le droit privé des sociétés. Le CNAPS, en tant qu’autorité administrative, devra intégrer cette lecture dans ses pratiques. Il ne pourra plus refuser une autorisation d’exercer au seul motif qu’une société de sécurité est dirigée via une personne morale, si la personne physique qui pilote effectivement cette dernière est dûment agréée. On peut s’attendre à ce que les formulaires et instructions du CNAPS évoluent pour demander, le cas échéant, les références de l’agrément du dirigeant de la personne morale mandataire. En pratique, la vigilance du CNAPS devra porter sur l’identité du représentant permanent de la personne morale dirigeante, afin de vérifier son agrément, plutôt que de s’arrêter à la forme sociale du dirigeant. Conseil aux professionnels : Pour les entreprises de sécurité privée, cet arrêt apporte de la sécurité juridique. Si vous avez une structure de groupe (holding dirigeante), assurez-vous que le dirigeant de votre holding dispose bien de son agrément CNAPS et qu’il est mentionné comme représentant légal. Tant que c’est le cas, votre autorisation d’exercer ne devrait pas être compromise du fait de l’interposition d’une personne morale. À défaut, le CNAPS pourrait légitimement s’y opposer, comme ce fut le cas initialement ici. Rappelons que l’agrément dirigeant est valable 5 ans et doit être renouvelé en temps voulu, y compris pour le dirigeant de la société-mère, afin d’éviter toute interruption dans les autorisations d’exercer. En résumé , l’arrêt CAA Lyon, 5 juin 2025, Dom Sécurité France concilie les textes en posant qu’« nul ne peut diriger une société de sécurité sans agrément », mais que si la société est dirigée par une autre société, le dirigeant personne physique de cette dernière fait foi. Cette solution renforce la cohérence du système : on contrôle bien la moralité des personnes qui dirigent effectivement les activités de sécurité privée, sans s’embarrasser d’un carcan formaliste. C’est une décision rassurante pour les acteurs du secteur organisés en groupes de sociétés, et un rappel pour le CNAPS d’appliquer la loi avec discernement et non par excès de rigidité. Sources : Cour administrative d’appel de Lyon, 6ème ch., 5 juin 2025, n°24LY01569; Code de la sécurité intérieure, art. L.612-6 et L.612-9; Code de commerce, art. L.227-7; Cour de cassation, com., 20 nov. 2024, n°23-17.842; CAA Bordeaux, 2ème ch., 7 déc. 2023, n°21BX04535
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