CNAPS : nouvelle enquête administrative obligatoire à chaque demande

Lorsqu’un professionnel du secteur de la sécurité privée dépose une demande d’autorisation, le CNAPS est tenu de vérifier sa moralité par une enquête administrative. Mais peut-il se contenter d’anciens éléments issus d’un précédent dossier ? Le Tribunal administratif de Montreuil a répondu clairement dans un jugement du 18 juin 2025 :
- "il appartenait au CNAPS, dans le cadre de l'instruction de la demande (...), de procéder à une enquête sur le requérant, donnant le cas échéant lieu, dans le respect des décisions de l'autorité judiciaire, à une nouvelle consultation du fichier du traitement des antécédents judiciaires, et ce même s'il avait déjà été procédé à une telle enquête dans le cadre de l'instruction d'une précédente demande présentée par l'intéressé"
Contexte
Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) est l’organisme chargé de délivrer les cartes professionnelles aux agents de sécurité privée et d’accorder les autorisations préalables à la formation pour accéder à ces métiers. Chaque demande fait l’objet d’une enquête administrative visant à vérifier la moralité du candidat – en particulier, l’absence de comportements contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs, ou de faits susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens. En pratique, cette enquête consiste notamment en la consultation, par des agents habilités du CNAPS, de fichiers de police et de justice tels que le Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ). Si des mentions incompatibles avec l’activité de sécurité privée apparaissent (par exemple des condamnations pour violences, vols, etc.), le CNAPS peut refuser la délivrance de la carte professionnelle ou de l’agrément demandé.
Une affaire récente jugée par le Tribunal administratif de Montreuil le 18 juin 2025 illustre un point crucial de cette procédure : le CNAPS a l’obligation de diligenter une nouvelle enquête administrative pour chaque nouvelle demande , et ne peut pas se contenter de réutiliser des informations obtenues lors d’une précédente demande. Dans cette affaire, un candidat avait sollicité en septembre 2023 une autorisation préalable pour suivre une formation d’agent de sécurité. Le CNAPS a refusé sa demande le 18 septembre 2023 en se fondant sur des faits anciens figurant à son dossier : deux mises en cause pour violences conjugales datant de juin et juillet 2019. Or, ces faits avaient entre-temps fait l’objet de décisions judiciaires : le tribunal correctionnel l’avait relaxé pour l’épisode de juin 2019, et condamné à une amende pour celui de juillet 2019.
Surtout, le procureur de la République, par une décision du 20 juin 2023, avait ajouté une « mention » dans le fichier TAJ concernant la condamnation de 2019 – une mesure visant à empêcher que l’administration (dont le CNAPS) ne puisse consulter ces données lors d’enquêtes administratives. Fort de cette mention favorable à sa réinsertion professionnelle, le candidat avait attendu septembre 2023 pour déposer sa nouvelle demande. Il faisait valoir devant le tribunal que le CNAPS, lors de l’instruction de sa demande, ne pouvait légalement se référer ni aux faits du 29 juin 2019 (soldés par une relaxe), ni à ceux du 27 juillet 2019, sans méconnaître la portée de la décision du procureur du 20 juin 2023. En d’autres termes, l’administration n’aurait pas dû utiliser ces informations judiciaires anciennes, qui étaient désormais inaccessibles dans le cadre d’une enquête administrative du fait de la mention apposée par le procureur.
L’obligation de refaire une enquête administrative à chaque demande
Le Tribunal administratif de Montreuil a donné raison au requérant et rappelé fermement le principe suivant : pour chaque nouvelle demande de carte professionnelle ou d’autorisation, le CNAPS doit mener une nouvelle enquête administrative, même s’il en a déjà réalisé une lors d’une précédente demande . Autrement dit, chaque demande doit être instruite sur la base de données actualisées et dans le respect des décisions de l’autorité judiciaire intervenues entre-temps. Dans cette affaire, le CNAPS s’était défendu en produisant un extrait du fichier TAJ daté du 8 février 2022 – document obtenu lors d’une précédente instruction, donc avant la décision du procureur de juin 2023.
Toutefois, le tribunal a relevé que cet extrait avait été obtenu avant même le dépôt de la nouvelle demande de septembre 2023, et ne pouvait servir de fondement légal pour statuer sur celle-ci. Il appartenait au CNAPS de procéder à une nouvelle consultation du TAJ lors de l’instruction de la demande de 2023 , dans le respect des décisions judiciaires (en l’occurrence, en tenant compte de la mention empêchant l’accès aux données sensibles). En continuant à s’appuyer sur l’extrait de 2022, le CNAPS a violé cette obligation.
Le jugement précise que l’autorité administrative ne peut légalement fonder sa décision de rejet sur des informations issues exclusivement d’une consultation irrégulière du TAJ, c’est-à-dire obtenues en méconnaissance d’une interdiction légale. En droit, l’article 230-8 du code de procédure pénale dispose que lorsque certaines données personnelles d’une personne mise en cause font l’objet d’une mention (par exemple à la suite d’un classement sans suite ou d’une décision expurgée), elles ne peuvent plus être consultées dans le cadre des enquêtes administratives de sécurité.
Aucun texte n’autorise l’administration à déroger à cette interdiction. Dans le cas présent, la mention ajoutée par le procureur en juin 2023 rendait donc illégale toute prise en compte par le CNAPS des faits de 2019 lors d’une enquête postérieure à cette date. En s’appuyant malgré tout sur ces faits (grâce à un extrait TAJ obtenu antérieurement à la mention), le CNAPS a contourné l’intention du législateur et du procureur – ce que le tribunal a sanctionné.
Conséquences de la décision : un rappel à l’ordre pour le CNAPS et des droits renforcés pour les candidats
Par son jugement du 18 juin 2025, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de refus du 18 septembre 2023 pour excès de pouvoir. Le tribunal a estimé que le directeur du CNAPS, en fondant son refus sur les faits de 2019, avait méconnu l’autorité attachée à la décision judiciaire de 2021 (relaxe) et à la décision du procureur de 2023 (mention interdisant la consultation). En conséquence, il a été enjoint au CNAPS de réexaminer la demande du requérant dans un délai de deux mois. Le candidat obtient donc une nouvelle chance d’accéder à la formation, cette fois avec l’assurance que les faits de 2019 ne pourront légalement plus être retenus contre lui. Le CNAPS a par ailleurs été condamné à verser 1 100 € au titre des frais de justice du requérant.
Cette décision constitue un sérieux rappel à l’ordre pour le CNAPS dans sa façon de traiter les demandes. Désormais, il est clair que chaque demande doit donner lieu à une enquête de probité distincte et actualisée, sans raccourci possible. Pour les professionnels de la sécurité privée et les candidats, c’est une garantie importante : un refus passé ne signifie pas qu’une nouvelle demande sera automatiquement rejetée sur les mêmes bases factuelles. Si, par exemple, un candidat a depuis fait effacer son casier judiciaire ou bénéficié d’une décision de justice favorable (relaxe, classement sans suite, mention procureur), le CNAPS devra en tenir compte et ne pas ressortir indûment de vieux dossiers pour motiver un nouveau refus. En pratique, un candidat qui essuie un refus peut, une fois les problèmes régularisés, redéposer une demande en étant en droit d’attendre une réévaluation objective de sa situation.
En conclusion, le CNAPS est tenu de respecter scrupuleusement les règles encadrant les enquêtes administratives de sécurité. Chaque nouvelle demande est indépendante des précédentes et doit être examinée à l’aune des informations légalement disponibles au moment de la demande . Toute décision de rejet fondée sur des éléments obsolètes ou frappés d’une interdiction de consultation s’expose à l’annulation par le juge administratif. Ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil vient renforcer la confiance des justiciables dans le fait que leurs droits seront préservés lors de l’instruction de leur dossier, et rappelle à l’administration que la rigueur procédurale est de mise à chaque étape. Ce faisant, il contribue à équilibrer l’objectif de sécurité publique avec le nécessaire respect des droits individuels des candidats aux métiers de la sécurité privée.
https://justice.pappers.fr/decision/9dcf2dc66e272138e7f9595d28472d1da2ac97c5
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